Assa est journaliste. Passionnée par l’Ecosse, et notamment la vie politique et culturelle du pays, elle a lancé le blog C’est Kiltissime. Elle vient de publier sa très alléchante sélection de spectacles pour le Fringe 2017, et ça vaut de l’or : rares sont ceux qui osent se plonger dans le programme-Bible du Fringe, l’un des principaux festivals de l’été à Edimbourg qui offre des milliers de prestations artistiques. Les faibles comme moi se reposent sur le bouche-à-oreille. Alors Assa, merci d’avoir fait le sale boulot pour nous !

Te souviens-tu de la première fois que l’on a évoqué l’Ecosse autour de toi ?

Oui ! C’était une amie à moi qui est partie faire une année Erasmus à l’université d’Edimbourg. Elle m’a survendu le cadre de vie, le dynamisme, la beauté de la ville, la chaleur des gens. J’ai donc voulu vérifier par moi-même en faisant aussi mon année Erasmus à Edimbourg. Ça a été le coup de foudre !

Depuis quand t’intéresses-tu à ce pays ?

Depuis que j’y ai fait mes études. À force de rencontres et de sorties, je me suis familiarisée avec la culture écossaise et son actualité aussi (forcément, quand on veut être journaliste !). C’est en écrivant dans des journaux étudiants, des magazines, mais aussi grâce aux cours à la fac (littérature celtique et politique sociale écossaise notamment) que j’ai pu commencer à toucher du doigt ce qui rendait l’Ecosse spéciale.

Pour toi, Edimbourg, ça rime avec…

Retour. C’est là que je reviens quand j’ai envie de prendre l’air, passer un week-end en amoureux ou avec des copains, ou quand j’ai envie de faire découvrir un endroit vraiment chouette aux amis que j’ai bassinés pendant des années avec l’Ecosse !

Assa

A ton avis, quel regard les Français portent-ils sur l’Ecosse ?

Je pense qu’il y a beaucoup de sympathie avec l’Ecosse, surtout avec les développements politiques de ces derniers mois. Il y a une impression que l’on joue dans la même équipe, en fin de compte. Et de la curiosité aussi : combien de Français sont sincèrement intrigués par un pays où les gens portent encore régulièrement le kilt, jouent de la cornemuse, et mangent du haggis ?

Tu es à fond sur le Fringe et les festivals d’Edimbourg en général. Qu’est-ce qui te plaît particulièrement ?

Le choix et la diversité de la programmation. Dans le Fringe, il y a beaucoup de spectacles, que ce soit en stand-up, théâtre, comédie musicale, qui abordent des questions qui me travaillent beaucoup : en premier lieu l’identité, mais aussi le genre, l’immigration, la politique, etc. Je trouve ça chouette qu’il y ait un espace où toutes ces questions et tous les points de vue peuvent être exposés.

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Combien de Fringe as-tu à ton actif ? Quelle évolution vois-tu entre la première et la dernière édition que tu as suivie ?

Cette année ce sera mon troisième Fringe ! Le premier était exceptionnel puisque c’était en 2014, quelques jours seulement avant le référendum sur l’indépendance de l’Ecosse ! Ce Fringe était très politique, à mon grand bonheur. J’y ai découvert beaucoup de comédiens écossais, comme Vladimir McTavish ou Bruce Fummey, que je vais essayer de revoir cette année.
Cette année il y a beaucoup plus de spectacles et beaucoup ont été mis en ligne sur le site du Fringe assez tôt. C’est aussi pour cela que j’ai pu faire mon programme relativement facilement. Et aussi, il y aura pas mal de spectacles qui vont parler des origines et du racisme, plus que les années précédentes j’ai l’impression. J’attends par exemple avec hâte Hot Brown Honey, un cabaret australien qui est totalement dans ce thème.

Cette année, c’est la 70e édition ! Tu en penses quoi ? Tu vas faire encore plus la fête ?

C’est excitant ! Il y a eu plein de choses faites pour l’occasion, comme le Word Fringe Day. Je pense qu’il y aura énormément de monde cette année et pas mal d’événements sur place. Honnêtement, comme je ne resterai qu’une dizaine de jours à Edimbourg cette année, je vais faire comme d’habitude : en profiter à fond et voir un maximum de spectacles !

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Allez, ne sois pas timide, raconte-nous ton meilleur souvenir de Fringe !

C’est piège comme question 🙂 Mes meilleurs souvenirs sont les spectacles excellents qu’on a vus par pur hasard. Une fois nous devions voir un comédien à Pleasance, mais manque de bol, à cause de circonstances indépendantes de notre volonté, nous n’avons pas pu y assister. En bons Français, nous nous plaignions devant la salle. C’est là qu’un type avec des tickets plein les mains s’est approché de nous en nous disant qu’il nous avait entendu parler français, et qu’il avait des tickets pour Yacine Belhousse, un comédien justement français qui présentait un spectacle en anglais. C’était pour moi un des meilleurs shows du Fringe en 2014 ! On l’a d’ailleurs revu à deux reprises en France après le Fringe.

Comment tu trouves la cuvée 2017 ?

C’est une excellente cuvée. Comme je le disais, elle est diverse, elle est vivante, elle est intelligente. Tout le monde y trouvera quelque chose à son goût, que ce soit en termes de comédie, de musique, de théâtre, de danse. Il y a aussi des dégustations, des expos, et les immanquables ceilidhs !

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Un peu de questions techniques : quel est ton budget pour vivre le Fringe ? Pour quels postes de dépenses ?

Pour le vol depuis la France, j’ai dépensé pas mal cette année : peut être à cause des 70 ans du Fringe ? En tout cas ça coûtait plus cher que l’an passé. J’y ai mis environ 200 euros (sachant que je passe par Glasgow à l’aller et que je repars d’Edimbourg).
Pour le logement, j’essaie de ne pas dépenser plus de 45 euros par nuit... C’est un défi d’avoir quelque chose de pas mal et de central à ce prix là ! Raison pour laquelle il faut s’y prendre en avance.
Pour les spectacles, j’avoue que je n’ai pas encore osé calculer ! Mais j’ai mes trucs à astuces pour ne pas avoir à vendre un rein.
Pour le reste, la nourriture, les boissons, les sorties : c’est à l’appréciation de chacun. Perso j’aime bien profiter de la gastronomie écossaise mais je ne sors pas non plus tous les jours au resto. J’aime bien aller prendre un petit-dej qui cale bien au Snax Café, sinon c’est petit-dej consistant à la maison. Pour le midi, j’aurais tendance à acheter un petit grignotage dans un magasin. Et pour le soir, à vous de voir : un dîner léger à la maison ou un dîner au pub !

As-tu une astuce pour dépenser (un peu) moins ?

Astuce numéro 1 : devenez Friends of the Fringe ! C’est une sorte de programme de soutien au festival qui vous donne des avantages, comme un ticket acheté = un ticket offert sur beaucoup de spectacles, et l’accès à un box office spécial. C’est vraiment chouette pour éviter les files d’attente !
Astuce numéro 2 : profitez des premiers lundi et mardi du festival, quasiment tous les spectacles font un ticket acheté = un ticket offert ! Je prévois de voir au moins cinq spectacles par jour ces deux jours. Même pas peur !
Astuce numéro 3 : profitez des previews. Avant la date officielle du début du Fringe, beaucoup d’artistes proposeront des tickets gratuits pour leur preview, ou au moins des tickets moins chers.
Astuce numéro 4 : usez et abusez du Free Fringe. J’ai découvert des gens extraordinaires qui faisaient des spectacles gratuits… Enfin, payés au chapeau, il faut bien qu’ils vivent ! C’est toujours plus économique que les têtes d’affiche.

Quelle solution choisis-tu pour l’hébergement ?

Cette année, 100% Airbnb. L’an dernier j’étais passée par EdLets, mais là je n’ai rien trouvé de satisfaisant pour mes besoins.

Dans quel quartier préfères-tu aller ?

Je suis très friande de tout ce qui se trouve du côté de Lothian Road : cette année encore, c’est là où je serai. C’est tellement pratique : proche de Princes Street avec tous les bus et le tram, facile d’accès depuis l’aéroport et les gares de Haymarket et Waverley, pas trop loin des principaux lieux du festival mais pas en plein milieu non plus (nécessaire si on veut avoir un peu la paix !). Un peu plus loin aussi c’est chouette.

Cette année, il ne se passera rien – ou presque – sur St-Andrew Square parce que les banques du coin ont décidé que ça faisait désordre, tous ces gens qui vont à des spectacles et qui boivent des coups dehors en mangeant des frites. Tu as envie de leur dire quoi ?

Qu’ils ne comprennent rien à l’esprit du festival ! C’est tellement dommage, l’ambiance a toujours été bon enfant.

Non parce que moi, j'adore St Andrew Square !

Non parce que moi, j’adore St Andrew Square !

As-tu vécu en Ecosse ou projettes-tu d’y vivre ?

J’y ai été pendant un an pendant mes études et j’y suis revenue pour des stages et pour faire des reportages. Mais l’Ecosse c’est la maison ! Je sais que j’y retournerai tôt ou tard.

Tu as suivi les référendums pour l’indépendance de l’Ecosse de très près. Qu’est-ce qui a le plus marqué ton oeil de Française ?

En France on aime bien les débats sensationalistes et qui ne nous projettent pas dans l’avenir. Ce qui m’a frappée en Écosse et qui m’a rendu ce pays si sympathique, c’est que pendant deux ans, tous les Écossais se sont dits qu’ils allaient réfléchir à ce qu’ils voulaient pour leur pays dans les décennies à venir. Il y a eu un vrai débat d’idées et les gens s’en sont saisis. Ce n’était pas juste un débat jus de cerveau des élites politiques et intellectuelles. Les gens en parlent dans la rue, dans les pubs, chez eux. Ceux qui sont natifs de l’Ecosse comme les autres Britanniques qui y habitent, les Européens et autre étrangers en Écosse. J’ai trouvé ça beau et ça donne beaucoup d’espoir dans la démocratie.
Et puis ce débat n’était pas nostalgique et passéiste : il ne s’agissait pas de dire que tout était mieux avant. Le discours général était : l’Ecosse a fait de grandes choses dans le passé, comment s’assurer qu’elle continuera à avoir une influence positive et à rester ambitieuse ? Est-ce que ce sera dans le Royaume-Uni ou en tant que pays indépendant ?
Quoiqu’il se passe, cette question ne doit jamais cesser d’être posée, qu’il y ait indépendance ou non. C’est le signe que le pays continue de se projeter dans le futur et imaginer quel serait le meilleur scénario.

Penses-tu que les Ecossais retourneront aux urnes pour se prononcer une nouvelle fois sur la question, maintenant que le Brexit est au menu ?

Oui, et je pense que tout le monde le pense. La question est plutôt quand. Avec le recul du SNP lors des élections anticipées de juin, on sait que la question de l’indépendance va être mise de côté pendant au moins quelques années. À mon avis tout dépend de ce que va donner l’après Brexit. Nul ne sait ce qui va se passer une fois le divorce acté avec l’UE. Peut être que si la situation économique et sociale du Royaume-Uni se détériore sensiblement, les Écossais repenseront à l’indépendance.

Dirais-tu que les Français sont intéressés par la situation politique de l’Ecosse ?

Indirectement, oui. Je vis probablement dans une bulle socio-économique parisienne, mais j’ai l’impression que beaucoup de gens ont été très amers après la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne. Du coup on prend fait et cause pour ceux qui ont choisi de rester. La presse française a beaucoup couvert le Brexit du point de vue écossais et nord-irlandais. Mais au delà du Brexit, je pense que peu de personnes connaissent le système politique britannique, a fortiori le système politique écossais ! C’est dommage, parce qu’il est intéressant, on a quelques leçons à tirer, je pense, de l’évolution écossaise.

Merci Assa ! On attend ton bilan du Fringe sur C’est Kiltissime

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