Mon petit doigt me dit que vous êtes nombreux, parmi les Kiltonautes, à rêver d’une expatriation en Ecosse. Que vous vous imaginiez élever des chevreaux dans les Highlands avec un cousin de Jamie Fraser ou mener une vie trépidante dans les clubs de Glasgow, faites-le. Voilà un petit moment que je n’ai plus parlé « expatriation en Ecosse » ici-même, réservant depuis quelques temps ces questions à ma tribune hebdomadaire sur Courrier Expat, mais ce mois-ci, j’ai eu envie de participer au rendez-vous Histoires Expatriées : chaque mois, une thématique collective est proposée, et les blogueurs expatriés l’explorent sur leur site.

Ce chouette rendez-vous a été initié par Lucie du blog Occhio di Lucie. Le thème du mois d’avril a été proposé par Ophélie, du blog Cross my heart and hope to die, qui vit à York. La question est large et passionnante : « Ce que j’aurais voulu savoir avant de partir« . Fort intéressant de revenir au point de la préparation de l’expatriation, où tant d’interrogations nous passent à travers la tête. Qu’aurais-je voulu qu’on me glisse à l’oreille à ce moment si particulier, lorsque soudain, j’ai décidé de déménager en Ecosse ?

Devenir organisée, il faudra

Les impôts. L’aide au logement. Les dates butoir. Sans parler de la retraite. La paperasse, ça n’a jamais été mon fort. Déménager dans un autre pays, l’Ecosse ou tout autre, ajoute un niveau de complication à tout cela. Soudain, tout devient un peu un cas spécial en France, et il faut tout apprendre d’un nouveau système dans le pays d’accueil. Si je m’en sors – je crois – je me suis fait taper sur les doigts l’une ou l’autre fois. Comme par exemple ce jour où, terrassée par une pneumonie surprise, je me pointe chez le docteur, avant de réaliser que zut, je ne m’étais pas inscrite au préalable, comme le veut l’antique tradition de la NHS. Pas bien. J’ai pas fait mes devoirs d’expat. C’était pourtant dans notre check-list des expats en Ecosse… J’ai retenu la leçon, et je fais dorénavant attention à ces petites choses. Gros progrès dans ma vie d’allergique aux démarches. Ce ne fut pas une mince affaire, tout n’est pas parfait, et surtout… Je ne m’y attendais pas et je me suis surprise.

De ce point de vue, je vois l’expatriation comme un nouveau départ : n’ayant jamais été capable de gérer mon auto-entreprise en France, je l’ai fermée, et j’ai ouvert une structure similaire ici, en Ecosse. Mais ce coup-ci, je m’applique : fichiers excel, reçus gardés, logiciel de gestion de factures… Et six mois plus tard, je m’y tiens encore ! Je peux avoir une médaille ?

Cette nécessité d’organiser un peu mieux ma vie depuis que je vis à l’étranger passe aussi par le calendrier : pour mes voyages, d’une part, et pour les visites de proches, d’autre part. Je cale déjà des petits voyages pour la fin de l’année, ce qui était impensable dans ma vie « d’avant ». C’est ça, être adulte ?

Ta francitude, tu redéfiniras

Voilà un sujet que j’évoque souvent, tant avec mes amis écossais qu’expatriés en Ecosse. Avant de partir, je ne réfléchissais pas du tout au concept d’être Français en Ecosse. C’est à peine si j’étais Française en France, alors je ne m’attendais pas vraiment à endosser ce rôle à l’étranger. Et pourtant, pour les gens que je côtoie ici, je suis l’archétype du citoyen français. On me questionne sur tous les aspects, tous les clichés de mon identité française. C’est bien sûr très intéressant, mais je ne m’attendais pas à devenir porte-drapeau. Ce fut en fait une bonne surprise, car cette expérience à l’étranger me permet de vraiment me poser les bonnes questions quant à mon attachement à la France.

La France ne me manque pas, je ne ressens pas l’impérieux besoin de voir des Français ici, mais ce lien fait partie de mon quotidien. Via ce blog, déjà, puisque j’écris quotidiennement à pas mal d’entre-vous en français, et dans les yeux des autres, qui font part de leur curiosité. Je ne m’attendais vraiment pas à constamment questionner ce lien, cette appartenance à un pays, car je ne m’étais jamais vraiment sentie « d’ici ou d’ailleurs » en vivant en France. Avant de partir, je pensais juste que le lien avec la France allait se limiter à des aller-retours de personnes, mais c’est un peu plus que ça. Ca passe finalement beaucoup par le langage et l’écriture, c’est intéressant. Régulièrement, je discute avec un monsieur de mon quartier, rencontré par hasard, pour parler français, car il adore cette langue et sa littérature. Ces conversations me permettent réellement de voir la langue française différemment, et je suis contente de finalement progresser sur ma propre langue, quand le but initial était de me plonger dans un univers anglophone uniquement. En fait, on peut très bien faire les deux, intensément.

Ta dépendance à la lumière, tu découvriras

Cet hiver fut long. Plus dur que les autres. Je n’ai jamais adoré les mois de janvier outre mesure, mais jamais encore je n’avais eu l’impression de perdre tellement d’énergie et de devoir lutter à ce point pour n’accomplir que de maigres  tâches quotidiennes. Mais c’est normal : j’ai migré quelques degrés au nord. L’hiver fut capricieux. Lors de ma première année, j’avais un boulot où je bougeais beaucoup, dans mon hostel, et je vivais assez loin du centre ville. Cet hiver, je l’ai passé assise à un bureau, la journée, et le soir, à la maison. J’ai moins bougé, j’ai moins vu la lumière, j’ai moins marché. Résultat : mes stocks de vitamine D se sont carapatés. Petit « SAD », a dit le docteur, seasonal affective disorder, j’ai un peu ricané car ça me semblait pas bien sérieux. Mais il faut bien l’avouer : j’étais à plat. Et je ne pensais pas que ça pouvait arriver, juste parce que la lumière se faisait rare.

Donc ouais, grosse leçon, que j’aurais bien aimé relire avant l’interro sur table : je suis dépendante à la lumière. Et aussi : il y a des changements, des adaptations, qui ne relèvent pas juste de ton bon vouloir. C’est juste la nature.

Note pour l’hiver prochain : commencer à prendre de la vitamine D avant le désastre, bouger plus, sortir plus, et allumer cette drôle de lampe à UV tous les matins.

Vers l’écriture, toujours tu reviendras

D’un point de vue professionnel, mon choix de déménager a été un changement radical. Je quittais une occupation de journaliste – d’abord salariée dans un organe de presse locale à Grenoble, puis pigiste pour plusieurs magazines – pour aller travailler… dans l’hôtellerie ! J’avais vraiment besoin d’un changement radical. J’avais besoin d’un boulot qui n’allait pas trop essorer mon cerveau. Et cet espace mental m’a en fait permis de créer French Kilt, avec Tao et Camille, et de, nécessairement, revenir vers l’écriture.

Oui, mais une écriture différente de celle que j’ai l’habitude de pratiquer en tant que mercenaire du clavier. Moi qui pensais « en avoir marre », j’y revenais toute seule ! Et si quelqu’un m’avait dit « tu verras, tu reviendras à la rédac » lorsque j’ai décidé de partir, je ne l’aurais sans doute pas cru. Bon. Déjà, en janvier 2017, j’ai un peu intensifié le rythme en commençant une petite chronique rigolote sur Courrier Expat, un site de Courrier International, tous les mercredis. Finalement, French Kilt m’a permis d’écrire comme je l’entendais, pour finalement me pousser, peu à peu, vers de nouvelles « piges », et donc un retour vers l’écriture plus journalistique. Il y a peu, j’ai sorti une petite page sur la région de Dumfries & Galloway dans le journal l’Alsace, ce qui symbolisait finalement un retour aux sources.

Cette année 2018, vraiment, va me permettre de revenir à l’écriture d’un point de vue professionnel car je viens de signer un contrat d’auteur avec une maison d’édition française pour un projet portant sur l’Ecosse. Je pourrai en dire plus en temps et en heure, mais pour le moment, je suis vraiment contente de pouvoir lier trois trucs que j’adore : l’Ecosse, le voyage et l’écriture…

Incapable de penser au retour, tu seras

Plein d’autres trucs futiles me sont venus en tête en préparant cet article. Juste pour la blague.
J’aurais voulu savoir que les éponges écossaises sont nulles.
J’aurais voulu savoir que mon accent anglais allait prendre une tournure étrange.
J’aurais voulu savoir que le double vitrage était un luxe rare.
J’aurais voulu savoir que près de trois ans s’écouleront avant que je prenne le volant d’une voiture.
J’aurais voulu savoir que j’allais m’attacher à ces gens et à ces lieux en l’espace d’une seconde.

J’aurais voulu savoir que le « ouais, je reste six mois, un an » que je répétais à qui veut l’entendre aller vite effilocher. Peut-être que simplement, je me chantonnais ce refrain pour me rassurer, atténuer le choc culturel, rassurer les gens. La vraie réponse est : « je ne sais pas quand je rentre, je ne sais pas si je rentre ». Ce n’est pas forcément facile à entendre pour mes proches en France, mais je ne cesse d’arguer que je suis en fait très près. Plus près que l’on croit.

Aujourd’hui, quand on me demande mon avis sur un possible retour en France, je n’ai vraiment rien à dire, car je n’y réfléchis pas. Je ne sais pas. Si un jour, la question se pose, je l’étudierai calmement. Pour le moment, je me prévois des séjours réguliers chez les copains, dans la famille, et je m’assure de faire passer un séjour inoubliable à ceux qui traversent la Manche pour venir me voir et découvrir l’Ecosse.

Voilà ! A me relire, je me dis que je me suis bien amusée à écrire tout ça, mais que ce ne sera sans doute pas très utile pour les lecteurs candidats à l’expatriation. Donc l’ultime truc que j’aurais bien aimé savoir avant de partir est : ce qui te stresse aujourd’hui sera insignifiant en un rien de temps !