Et si on repartait sur la route des Hébrides ? En quittant Tarbert, nous mettons le cap vers Uig, à l’ouest de l’île de Lewis. Nous savons que nous allons encore retrouver l’océan Atlantique. Ô joie ! Sur notre route : les menhirs de Callanish, un peu d’autostop, une plage qui a retourné mon cerveau, un hostel adorable et un jeu d’échecs très mystérieux.
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Les étapes précédentes :
✰ Les Hébrides extérieures, mon aventure insulaire
✰ Tour à vélo de l’île de Barra
✰ South Uist, errements dans une lande délabrée
✰ Le mystère de la sirène de Benbecula
✰ Harris, nous voilà
Hébrides : Tarbert – Uig sans voiture, le défi du jour
Sur le papier, le trajet semble assez facile : une première ligne de bus pour aller vers le Nord, puis, en attrapper un autre pour bifurquer à l’Ouest de l’île. Deux bus, quelques pounds, voilà tout ce qu’il nous faut pour rejoindre Uig, où nous allons dormir à The Otter Bunkhouse, un hostel où j’aurais franchement pu élire domicile. Le premier bus est le “grand” bus de l’île. Je veux dire, un “vrai” bus, avec plus de 10 places. Au moins 30 ! On explique au chauffeur qu’on aura besoin de changer de bus, il nous promet de nous faire signe en approchant de l’arrêt où nous devons descendre. Dans les faits, il pile après une heure de route, arrête le bus qui arrive en face et nous fait signe de sauter dedans. Fantastique, on tombe sur une chauffeuse adorable, qui, avec un grand sourire, nous explique qu’elle ne va pas du tout vers Uig, mais qu’elle remonte vers Neist Point, au nord-ouest de l’île. C’est pas grave, dit-elle en allant d’une fiche horaire à l’autre, on peut descendre à Callanish et attendre le bus suivant durant… Deux heures. Une petite ampoule s’allume dans ma tête : ou alors, on ira voir les “standing stones” de Callanish, un grand cercle de menhirs datant de la Préhistoire, très célèbres en Ecosse. Nous comptions les voir le lendemain, mais pourquoi pas ? Marché conclu, notre nouvelle copine nous déposera là-bas, et, quand elle sera sur le retour de son itinéraire, elle nous ramènera à la jonction où prendre un troisième bus mystère.
Les menhirs de Callanish
Allez, petit aparté sur les “standing stones” de Callanish. Alors il faut savoir que des standing stones, – comprendre des menhirs plantés dans la terre – il y en a une flopée sur l’île de Lewis. Mais ceux de Callanish forment le site le plus complet et le plus impressionant : plusieurs pierres dressées forment des cercles concentriques et des lignes. Juchés sur une colline, les menhirs sont visibles depuis la route, au loin. Le site est accessible gratuitement, et il est assez agréable de commencer la visite par un petit tour à l’accueil, où une petite expo explique le pourquoi du comment de ce site préhistorique. Ce que j’en retiens, c’est que l’on n’en sait pas grand-chose : il est difficile de connaître avec précision l’usage qui était fait de cet endroit.
On suit le petit chemin qui mène au sommet du talus pour voir de plus près ces fameuses standing stones. Il fait un soleil magnifique et je respire à pleins poumons. J’imagine, des siècles auparavant, des hommes et des femmes venir prier, se recueillir, autour de ces pierres. Au loin, on aperçoit les sites de Callanish 2 et 3, des cercles plus petits. Puisque nous sommes tributaires des transports, nous décidons de ne pas nous y rendre pour l’instant. Ce qu’on ne sait pas, à ce moment-là, c’est que nos plans vont encore changer un peu : au retour d’Uig, entre deux bus, nous déciderons d’aller patauger dans la gadoue pour nous approcher d’un second site, simplement planté au milieu des moutons.
J’apprécie beaucoup de pouvoir marcher librement entre les pierres, de pouvoir les toucher et de juste passer un moment de calme ici. Il y a quelques autres personnes, mais nous nous sentons vraiment seuls au monde avec les pierres. Elles nous oublieront – nous pas.
Arriver à Uig
Après cette pause magique, nous retournons sur la route principale pour attendre notre copine chauffeuse de bus. Elle nous ramène à la jonction où nous devons attendre un autre bus. Pas vraiment impatients mais plutôt curieux, on décide de faire un peu d’auto-stop pour progresser un peu. Pas facile, il semblerait que tous les gens qui s’arrêtent ne vont pas jusqu’à Uig mais vont sur la presqu’île de Great Bernera, qui me donne du coup envie d’y aller aussi. La prochaine fois, Sarah, la prochaine fois.
Nous sommes finalement rattrapés par l’autobus, et j’y rencontre un Français qui tient un restaurant à Uig. Restaurant qui est malheureusement sur le point de fermer. Mais ça me fait sourire de croiser un compatriote ici, au milieu de rien. L’autobus nous arrête au début du village de Uig, et le chauffeur nous désigne un toit de tôle. Donald, nous dit-il, est forcément quelque part dans les parages.
Je donnerai plus de détails dans mon futur article consacré aux hostels des Hébrides extérieures mais vraiment, j’ai un coup de coeur pour cette maisonnette, neuve mais tellement bien intégrée dans son environnement, les pieds dans un loch d’une sérénité absolue. Très bien isolé, accessible aux fauteuils roulants, le petit refuge est constitué d’une grande pièce à vivre avec fauteuils, grande table et cuisine, et d’un dortoir de huit lits. C’est tout. Depuis un an, Donald y accueille des visiteurs et il s’étonne lui-même du succès de l’expérience.
Je me rends encore une fois compte de l’importance d’offrir de l’hébergement accessible et petit budget, pour n’importe quelle destination. Oui, sur une île comme celle de Lewis, on peut véritablement décider de se rendre dans un coin comme Uig juste parce qu’il y a un lieu d’hébergement sympa. C’est notre cas : s’il n’y avait pas ce petit dortoir, nous n’aurions sans doute pas poussé la route jusqu’à Uig, puisque dormir dans un hotel ne faisait ni partie de nos plans ni de notre budget.
Le soir même, Donald s’arrête à l’hostel et décide de nous emmener pour un petit tour des environs à bord de son petit van tout droit sorti des années 80 (nous ne sommes que trois, ce soir). C’est une traversée magnifique, sous un ciel nacré de rose. Il nous raconte la vie quotidienne, les soirées, les “crofts”, les pêcheurs. Donald est né ici, et a vécu toute sa vie ici. Une partie de moi ne le comprend pas, l’autre l’envie.
Découvrir la plage de Uig
Juste après notre arrivée à Uig, nous nous mettons en route pour le “village”, à quelques kilomètres. Programme du jour : déjeuner au centre communautaire, voir la plage et faire quelques courses à la supérette locale pour avoir de quoi dîner le soir.
Nous longeons la route au beau milieu de hautes collines, en profitant de chaque point de vue. Après une grosse demi-heure, un vieux monsieur s’arrête et nous demande où l’on va. Il nous propose de nous déposer au centre communautaire, et nous acceptons avec joie. Il a un très fort accent et il est difficile de le comprendre, mais j’apprends qu’il est un pêcheur à la retraite. Veuf, il s’ennuie un peu dans le coin alors il aime bien prendre des gens dans sa voiture qui tombe en ruine. On rigole bien et on le remercie chaleureusement en sortant du véhicule.
On se régale d’une salade au saumon et d’une soupe dans le petit café du centre, qui partage son entrée avec le musée. Nous aurions dû le visiter, mais on craignait de ne pas avoir le temps… Dommage. Au café, on demande à un monsieur s’il est possible de retourner jusqu’à l’auberge en coupant par les collines, depuis la plage. Il fait une grimace, nous dit que oui, on devrait s’en sortir si on fait gaffe aux marais et qu’on n’a pas peur de grimper. Je ne suis pas vraiment rassurée…
En sortant du café, on pousse la route jusqu’à la plage. Mais pour cela, il faut passer un champ, puis un autre, puis un autre. Heureusement, nous savons à peu près où nous allons puisqu’un habitant du village nous a donné quelques astuces. Je ris aux éclats alors que nous traversons une colline absolument bondée de petits lapins. C’est surréaliste. Je me sens dans le Manhattan des lapins, tellement ils bondissent partout autour de nous.
Nous empruntons un petit pont (attention, c’est véritablement le seul accès à la plage) qui enjambe une rivière et nous mettons alors le pied sur une plage infinie. J’ai l’impression d’être de retour dans le Salar d’Uyuni, en Bolivie. Ou alors dans le Sahara ? Sous un soleil aveuglant, nous tournons en rond, avant de se décider à voir si là bas, tout au fond, on atteindrait la mer. Réponse : oui. Sur le chemin, on croit voir des traces de loutres avant de comprendre que non, c’était juste un petit chien. Encore raté.
Après la grande balade, nous repassons le petit pont. C’est seulement sur le retour que nous remarquons une porte ronde, donnant directement sur un petit talus. Oui, c’est bien une maison de Hobbit. J’explose de rire et je m’apprête à la prendre en photo quand le propriétaire de la maison d’en face sort et vient discuter avec nous. Il nous explique qu’il a construit cette cabane avec ses amis, “pour rigoler”. Je suis abasourdie par la quantité de travail fourni. Amusé, il nous ouvre la porte et nous découvrons une pièce circulaire, toute en bois, avec un poële, un canapé, des couvertures… C’est décidé, je ne bouge plus !
Après avoir fait les courses dans l’adorable petit supermarché – on achète du poisson fumé et des pâtes – on hésite vraiment à se lancer dans l’ascension de la colline et je finis par dire à Benjamin que je préfère marcher plus longtemps mais garder mes deux chevilles intactes. Les Hébrides et moi, on n’en a pas encore fini… On commence alors à longer la route principale, avant de voir un véhicule s’arrêter devant nous. C’est l’homme avec qui nous avons discuté au café, et en fait, il est chauffeur du minibus ! Il propose de nous déposer gracieusement à l’hostel et nous acceptons, contents comme des gamins.
Vient ensuite un autre moment magique de la journée : s’asseoir face au loch qui tourne doucement au violet dans la lumière de fin de journée en essayant de voir des loutres. Il paraît qu’on voit surtout leur museau dépasser de l’eau. On guette, sans succès, et on se résout à aller commencer la popote. Je m’endors tellement heureuse de ma journée, je me sens reposée comme jamais, et je réalise que je suis là où j’ai envie d’être.
Au matin, il sera temps de reprendre le minibus pour aller plus haut vers le nord de l’île : nous allons à Gearrannan, un village de blackhouses traditionnelles qui a été préservé. On s’offrira une autre pause au milieu des standing stones, après avoir pataugé dans la boue, et on rencontrera des tisserands. Mais ça, c’est demain. Ce soir, c’est juste nous, Uig et les loutres.