Edimbourg depuis Arthur's Seat

Voilà cent jours, peu ou prou, que mon quotidien de guide touristique – et blogueuse – en Ecosse a diamétralement changé, et j’ai eu envie de faire le point. En quoi la pandémie de Covid19 a eu un impact sur French Kilt et mon projet professionnel en Ecosse ?

Cet article est une chronique assez personnelle, il n’y a pas d’informations pratiques. Mais dès qu’il y aura du contenu clair, j’écrirai un article sur la reprise des voyages en Ecosse. Pour le moment, les hôtels, musées, châteaux et restaurants sont toujours fermés. Il est également possible que toutes les régions d’Ecosse ne soient pas accessibles aux voyageurs de la même manière ou en même temps, du fait du manque de structures sanitaires sur place. Nous aviserons.

Et puis, puisque c’est de circonstance, j’illustre cet article avec mes photos de balades pendant le confinement, sur Arthur’s Seat, dans Edimbourg et un peu hors de la ville…

Un coup d’arrêt brutal au tourisme en Ecosse

« The penny dropped ». Une excellente expression en anglais, très visuelle, où j’imagine une pièce de monnaie traverser mon cerveau et faire « ding ». Cela décrit le moment où l’on comprend, ou l’on réalise quelque chose. Un moment de clairvoyance, qui se fait parfois attendre. Tout en suivant – de loin – l’actualité liée au virus depuis le mois de janvier, j’avais, comme beaucoup de gens, du mal à imaginer les conséquences directes que cette épidémie pouvait avoir sur notre quotidien. Pour moi, la pièce à fait « ding » quand les voyages scolaires ont été annulés en catastrophe, début mars. Premières annulations. Par ailleurs, les employeurs de mon compagnon ont demandé à tous les salariés de travailler de chez eux, deux semaines avant le confinement officiel. Après cette date, j’ai eu encore deux visites guidées à Edimbourg, puis le confinement a commencé en France, le 17 mars. Au Royaume-Uni, il a fallu attendre le 23 mars, mais en réalité, j’étais déjà confinée de facto : je n’avais plus de raison d’être dehors…

salisbury crags edimbourg

La vue sur Salisbury Crags et Arthur’s Seat depuis ma fenêtre…

Les premières semaines ont été consacrées à la gestion des annulations et aux remboursements en cascade. Ce fut une période assez stressante et déprimante : il n’y avait rien à faire, il fallait juste détricoter tout le travail fait jusque-là, après avoir passé tout l’hiver a préparer une saison qui était sur le point de commencer. Mais nous l’avons fait sereinement, convaincus que c’était la bonne chose à faire. Quand j’y repense, j’ai l’impression que je ne me rendais pas compte de ce qui se passait : j’étais comme sonnée. J’agissais comme un robot. Je n’arrivais pas à penser au-delà de la tâche suivante. Quand on est indépendant, freelance, ce n’est jamais très rassurant que de voir toutes ses missions disparaître l’une après l’autre. L’incertitude, le risque, pesait comme une lourde chape de plomb. J’ai eu aussi la déception de voir que je n’étais éligible à aucun « plan d’aide gouvernemental », même si les messages politiques assuraient que « tout le monde serait aidé ». C’est bien loin d’être le cas. Pas de surprise de ce côté…

Laurison Castle Edimbourg

Lauriston Castle, à l’ouest d’Edimbourg

Et French Kilt, alors ? J’ai eu une longue coupure de publication sur le blog, ne sachant pas trop quoi raconter, quand personne n’avait la tête au voyage. Je n’étais pas la seule, je crois : ça semblait assez déplacé de venir publier un article sur telle ou telle destination dans un tel climat. La fréquentation du blog s’est effondrée de 50%.

Reprendre le chemin de French Kilt…

Pendant des semaines – en réalité, je le fais encore parfois – je ne faisais qu’osciller entre le « vrai » présent, et ce que j’aurais dû être en train de faire, si tout ne s’était pas arrêté : accompagner des groupes, donner des visites, passer mes derniers examens. Préparer la sortie de mon nouveau guide, chez Hachette, prévu à la mi-avril, à présent reporté à l’automne… J’étais vraiment déboussolée. Mes habitudes de journaliste ont refait surface et je passais la journée à écouter les infos, à lire des tweets. Quelle erreur…

Décrocher un « Blue Badge » dans des conditions que je n’aurais jamais pu imaginer

La première grande question a été celle de mes derniers examens pour devenir une « Blue badge guide » officielle. Ca fait presque deux ans que je vous tanne avec ça, mais c’est enfin fini ! Nous n’avons pas pu passer les dernières épreuves à cause des risques. Après moult tergiversations, toute la promo a pu valider son parcours et nous avons tous obtenu nos « badges » ! C’était une très bonne nouvelle. J’ai dû passer, en plus, un examen par vidéo pour confirmer mon niveau en français – en réalité, pour moi, passer ce diplôme en anglais a été bien plus difficile, et je ne me suis pas inquiétée outre mesure pour l’examen de langues. Cela dit, une fois ce dossier enfin « clos », j’ai senti un réel poids s’envoler de mes épaules. Je suis à présent listée sur le site de la STGA.

Il était enfin l’heure de penser à la suite.

Reprendre l’écriture, petit à petit

Durant tout ce temps, je réalise que je deviens bien plus lente pour des tâches qui me demandaient que quelques instants auparavant. Cette expérience du confinement a réellement attaqué ma productivité : parfois, je m’en souciais, et parfois, je me disais « il ne faut pas t’en vouloir ». Passer d’un jour à l’autre, c’était déjà pas mal.

J’ai tout de même réussi à écrire. Sur le blog, j’ai enfin mis le point final à des articles que je vous devais depuis bien longtemps : une sélection de romans, de films et de séries en lien avec l’Ecosse. Je me suis également éclatée à partager quelques recettes de spécialités écossaises. Je n’avais jamais fait ça avant, mais c’était vraiment drôle à écrire et à partager : cette peur et cette joie, quand vous m’envoyez une photo de vos shortbreads ou de votre cranachan ! Waou ! Merci : ce fut un moyen doux et agréable d’être connectée à vous.

south queensferry

Petit tour matinal à South Queensferry

J’ai mis à profit ce temps pour tout simplement écrire ce que j’aime, ce qui me tient à coeur. J’ai été très contente de faire un portrait de Mathilde de Atelier Escapades, couturière et professionnelle du tourisme, qui réalise de très beaux bijoux et objets à partir de tartan et de tweed.

Avec Ophélie de Cross my Heart and Hope to Die, qui vit en Angleterre, nous nous sommes motivées pour faire un NanoWriMo, un challenge d’écriture qui se déroule normalement en novembre. L’idée est d’écrire tous les jours un peu, pour finalement atteindre 50 000 mots en 30 jours. J’ai réussi à écrire 30 000 mots sur un seul et même sujet, je suis loin de l’objectif, mais mine de rien, j’étais très contente d’en arriver là ! L’encouragement réciproque, l’instauration d’une routine, m’a fait beaucoup de bien. J’ai hâte de retenter l’expérience !

Bidouiller French Kilt

Dans mon quotidien « d’avant », j’étais toujours en mouvement. Là, j’ai dormi 100 jours au même endroit. Je ne crois pas que cela m’était arrivé depuis mon arrivée en Ecosse, en 2015. Cet immobilisme forcé a été mis à profit pour travailler sur French Kilt. J’ai notamment complètement revu la boutique du site, ajouté les fameux t-shirts illustrés par Ben Specklin ainsi que les oeuvres de mon amie Camille de Camomile Prints.

Ces t-shirts sont disponibles sur spreadshirt, ça veut dire que vous pouvez choisir la couleur, la taille du logo, tout ! Vous pouvez aussi utiliser le design pour réaliser le produit de votre choix. Comme je n’ai pas beaucoup de goût, ça m’arrange de vous laisser le pouvoir de tout choisir par vous-mêmes…

J’ai aussi amorcé le travail sur un gros chantier, le SEO, avec Céline de Je Papote. Mois par mois, nous essayons d’améliorer le référencement de certains articles, afin qu’ils répondent mieux aux informations que vous recherchez. C’est un travail de longue haleine, mais grâce à Céline, je commence à me prendre au jeu…

Typiquement, les choses que j’ai remises à plus tard depuis des années ! Ma liste d’articles à écrire ou de choses à réparer sur French Kilt est loin d’être finie. Et dès que possible, je vais me repencher sur mon offre de visites guidées à Edimbourg, pour être prête lorsque vous reviendrez !

Esplanade chateau edibmourg ramsay gardens geddes

L’esplanade du château d’Edimbourg, si vide…

Des projets novateurs pour être connectés à l’Ecosse

Dès fin mars, une petite idée m’a vraiment aidée à bien vivre cette période houleuse : le pub quiz sur l’Ecosse ! Un peu lancé à la va-vite, alors que je n’avais pas encore toutes les « clés techniques » en main, ce petit quiz du vendredi soir « pour rire » est devenu un vrai rendez-vous avec certains d’entre vous.

Pendant 10 semaines, de fin mars à fin mai, nous nous sommes retrouvés pour une heure de questions sur l’Ecosse, parfois drôles, parfois difficiles, avec des photos, des rébus, des charades, de la musique. Je sais que pour beaucoup, c’était un moyen de se rapprocher de l’Ecosse, alors que tout voyage était impossible. Le quiz est à suivre en direct sur la plateforme Twitch, et vous m’envoyez vos réponses via un formulaire que je mets à votre disposition. Le jeu est gratuit, mais je vous propose de laisser un « pourboire » si vous avez passé un bon moment !

Pendant la semaine, je m’absorbais complètement dans la préparation des questions, ce qui m’éloignait enfin des infos déprimantes. Je me replongeais dans ces connaissances entassées depuis si longtemps, et qui risquaient de ne pas êtres « utilisées » cette année. Je crois que l’expérience vous a plu – et pour moi, elle a carrément été salvatrice ! Grâce à ce cadre, j’ai maintenu un rythme de travail régulier.

Cette idée du quiz a mené à plein d’autres choses. D’abord, je vais mettre en forme ces questions pour que vous puissiez jouer avec ces quiz thématiques en ligne, quand bon vous semble. Aussi, le « pub quiz virtuel » devient un rendez-vous mensuel. Le prochain aura lieu le 26 juin 2020, à 20h, heure française. Voici l’événement Facebook pour avoir toutes les infos !

Edimbourg depuis Arthur's Seat

De l’interactivité, et de l’image !

J’ai aussi commencé à écrire des tests de personnalité rigolos. Le premier vous révélera quel personnage écossais serait votre compagnon de voyage idéal, le deuxième devrait être dans la même veine. J’explore cet outil car je souhaite développer un « générateur de voyage en Ecosse » pour vous aider à trouver des choses chouettes à faire selon le type de voyage que vous préférez. Ca va me prendre encore un peu de temps, mais ça avance !

Après avoir goûté à la vidéo – mes heures de gloire à Télé Grenoble sont bien loin – et vu votre intérêt prononcé pour les légendes écossaises, je me suis décidée à écrire quelques scripts pour des vidéos courtes, à destination de Youtube : pour chaque légende écossaise, je vous raconte l’histoire, et puis je vous donne quelques explications. Au programme : Le monstre du Loch Ness, les selkies, les kelpies, les fées écossaises… J’espère pouvoir sortir la première bientôt !

Tout ça, c’est bien, mais ce sont des projets « solo » ! Le travail d’équipe me manque… C’est pourquoi je me suis lancée dans un nouveau projet créatif avec quelques collègues francophones du monde du tourisme à Edimbourg, qui a pour but de vous faire profiter d’Edimbourg à distance. Je ne peux pas vous en dire plus car je ne suis pas seule sur le projet, mais vous serez naturellement tenus au courant !

En finissant cette liste, je me dis que j’ai réussi à combler le « trou » laissé par toutes les annulations au début de la saison. Quelque part, le fait d’avoir été exclue de toutes les aides d’urgence m’a sans doute poussée encore plus à chercher des solutions.

Hermits and termits edimbourg

Un cottage du 18ème siècle dans mon quartier…

L’espoir d’un tourisme plus respectueux en Ecosse

Aujourd’hui, ma réflexion se porte sur l’avenir du tourisme en Ecosse à plus grande échelle. Alors que nous attendons tous de savoir quand les voyageurs pourront à nouveau arriver en Ecosse – et à partir de quand, nous, les résidents, pourront recommencer à nous déplacer dans le pays – pourquoi ne pas réfléchir à comment améliorer nos habitudes, lorsqu’elles reprendront ? Attention, une vague de questions sans réponses – immédiates – est à l’approche…

Privilégier l’échelon local

Ce n’est pas une surprise : cette crise a été d’une violence démesurée pour les lieux touristiques, qui sont passés de tout à rien du jour au lendemain. Mais aujourd’hui, quand on choisi un endroit où aller, on a le pouvoir d’aider une petite entreprise qui veut pérenniser son projet. Bien que les multinationales aussi ont enregistré des pertes – et elles embauchent naturellement des locaux – il me semble important de se rendre compte que nos choix ont un impact. Vous avez le pouvoir d’opter pour un un hôtel ou BnB indépendant qu’un Travelodge, de choisir un petit café plutôt qu’un Starbucks.

On peut décider de réserver quelques nuits dans un petit hôtel ou BnB en allant directement sur leur site, ou en leur passant un coup de téléphone. Les plateformes telles que Booking.com sont utiles, notamment pour comparer les prix et les infos pratiques, mais rappelez-vous qu’elles ponctionnent plus de 15% de l’argent que vous dépensez.

Le site VisitScotland réunit beaucoup de suggestions d’hôtels, et je vais me mettre à écrire sur les lieux que j’affectionne aussi, une fois que nous en saurons plus sur la situation, notamment dans les Highlands.

Comment adapter les transports en commun ?

Grande question, par temps de pandémie : va-t-on voir une explosion de l’usage de la voiture et des vans aménagés en Ecosse ? C’est à prévoir. Les transports en commun vont devoir faire des efforts d’aménagement et de communication pour convaincre les voyageurs de continuer à les utiliser. A titre personnel, j’ai confiance et j’espère que nous continuerons à utiliser les trains et les bus pour voyager en Ecosse. Puisque j’accompagne des voyages de groupe, je vois bien, en ce moment, les débats sur les aménagements des bus. Il n’y a pas encore de réponse, mais je garde l’espoir !

On calme le rythme…

Aujourd’hui plus que jamais, je crois qu’il est temps de revoir le rythme de nos voyages et d’arrêter de vouloir tout voir, tout couvrir, puisque c’est tout bonnement impossible. Je n’y crois pas trop, mais j’espère voir moins d’embouteillages sur les petites routes de l’île de Skye ou devant le viaduc de Glenfinnan. J’aimerais croiser un peu plus de monde dans les Borders, où dans l’Ayrshire, des régions boudées par les voyageurs, mais où l’on reste à bonne distance d’Edimbourg ou de Glasgow tout en se dépaysant complètement.

borders région au sud de l'Ecosse

Un point de vue dans les Borders, au sud d’Edimbourg

Je termine cette petite chronique en ayant l’impression d’avoir fait un grand ménage dans mes pensées. Voilà cent jours que tout à changé. Nous avons tous surmonté des épreuves que nous n’imaginions pas possibles, à différents niveaux. Nous avons expérimenté le confinement, pour beaucoup, pour la première fois. Nous avons pris le temps de réfléchir à nos valeurs, à notre fonctionnement. Mes déceptions professionnelles ne pèsent que peu face à l’importance que prend la santé des proches, des amis. J’ai partagé vos frustrations, face aux voyages annulés, mais cette frustration a été balayée par la certitude que très bientôt, l’Ecosse nous ouvrira à nouveau les bras.